5G aux Comores: rêve ou illusion ? Les autorités comoriennes ont placé le numérique au cœur du développement du pays à l’horizon 2030. Pour le moment, le pays se classe 180e sur 193 dans l’Indice de développement de l’e-gouvernement (EGDI) des Nations unies.
Le 16 mai 2025 marque un tournant numérique aux Comores : Comores Télécom et YASS Comores, les deux principaux opérateurs téléphoniques du pays, ont officiellement lancé la 5G après avoir obtenu leurs licences respectives délivrées par l’ANRTIC (Autorité Nationale de Régulation des Technologies de l’Information et de la Communication). Une annonce qui suscite autant d’espoir que de scepticisme dans un pays où la 4G reste encore inégalement déployée, lente et onéreuse.

Toutefois, les opérateurs ont seulement obtenu des autorisations d’exploitation des fréquences, sans calendrier annoncé pour le déploiement ni la généralisation du service. Par ailleurs, le coût de mise en œuvre de la 5G demeure élevé. Selon une étude d’Ericsson datant de 2022, le déploiement initial peut coûter entre 3 et 8 milliards de dollars selon la taille du marché, avec un surcoût estimé entre 20 et 35 % pour une couverture nationale complète.
Le déploiement de la 5G, à lui seul, ne garantit pas la transformation numérique. Le pays doit encore renforcer l’ensemble de son infrastructure numérique et développer les services numériques. En 2024, les Comores se classaient au 180e rang mondial sur 193 dans l’Indice EGDI des Nations unies, avec un score global de 0,2586 sur 1, bien en deçà des moyennes continentale et mondiale. Pour le sous-indice des infrastructures de télécommunications, le pays affichait un score de 0,3537, contre 0,0230 pour celui des services en ligne.
Pour combler ce retard, le gouvernement mise notamment sur la construction d’un centre de données dans le cadre du Projet d’appui à la digitalisation des Comores (PADEC), financé par la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement. D’un coût estimé à 22,53 millions d’euros (25,5 millions de dollars), le projet prévoit également la mise en place d’une plateforme d’administration digitale et d’une plateforme d’interopérabilité et d’échange de données.

Une 5G dans les textes, mais sur quel terrain ?
Le lancement de la 5G est sans conteste un signal fort : les Comores veulent s’inscrire dans la modernité numérique et ne pas rester à la traîne des grandes tendances technologiques mondiales. Mais cette ambition se heurte à une réalité quotidienne bien plus préoccupante : les zones où la 4G est réellement fonctionnelle restent minoritaires, y compris dans les grandes villes comme Moroni, Mutsamudu ou Fomboni. Beaucoup d’utilisateurs peinent encore à charger une simple vidéo ou à passer un appel en visio sans coupure.
Pire encore, les forfaits mobiles coûtent cher. Pour un service de qualité très moyenne, les consommateurs doivent souvent payer des sommes importantes, ce qui restreint l’accès à Internet aux foyers les plus aisés ou les plus connectés à l’étranger via les transferts d’argent.
Deux opérateurs, une promesse à tenir
Avec seulement deux opérateurs présents sur le marché, la concurrence reste faible. Comores Télécom, l’opérateur historique, est régulièrement critiqué pour ses tarifs élevés et la qualité fluctuante de son réseau. Quant à YASS Comores, plus récent, il a su se positionner comme une alternative mais reste confronté aux mêmes réalités structurelles : manque d’infrastructures modernes, coupures fréquentes d’électricité, faible couverture du territoire.

Le passage à la 5G nécessitera des investissements lourds pour installer de nouvelles antennes, renforcer la fibre optique et former les équipes techniques. Or, à l’heure actuelle, aucune stratégie claire de déploiement national n’a été dévoilée. Le risque est grand que la 5G reste concentrée uniquement dans quelques zones urbaines très limitées, sans véritable impact pour la majorité de la population.
Un enjeu d’image plus que de service ?
Derrière l’effet d’annonce, le lancement de la 5G pourrait bien relever davantage d’une stratégie de communication et d’image, que d’un réel service accessible à tous. Dans un contexte où le numérique devient un indicateur de développement, afficher une « 5G » dans les médias et les rapports officiels donne l’impression que les Comores avancent, même si la majorité des citoyens continue à vivre une expérience mobile frustrante au quotidien.
Vers une fracture numérique aggravée ?
Si les autorités et les opérateurs ne prennent pas soin d’améliorer d’abord la 4G, de baisser les coûts des forfaits, et d’investir dans une couverture élargie et stable, la 5G pourrait creuser encore davantage la fracture numérique. Seule une petite élite, concentrée dans les centres urbains, profiterait de cette nouvelle technologie, tandis que la majorité resterait exclue.

Conclusion
Oui, les Comores ont désormais la 5G… sur le papier. Mais dans un pays où la 4G n’a pas encore tenu ses promesses, il est légitime de se demander si cette nouvelle avancée technologique est un rêve pour demain ou une illusion d’aujourd’hui. Le vrai défi ne sera pas de communiquer sur la 5G, mais de rendre l’accès à Internet fiable, rapide et abordable pour tous les Comoriens.

Par Rachadi PHATAH EDDINE; écris « 269 » en commentaire si tu es Comorien comme moi !

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